Trop les boules (de Noël)!

Trop les boules (de Noël)!

C’est la belle nuit de Noël!
L’hiver étend son manteau blanc
et les yeux levés vers le ciel,
à genoux face aux Mylings vengeurs,
avant qu’ils n’arrachent vos paupières…
faites une dernière prière!

J’ai eu l’immense joie de recevoir les magnifiques ouvrages de Vaesen récemment, et j’avais envie d’échanger avec vous tous les jus créatifs qui me pulsent à travers le cerveau depuis.

Bien sûr, en plus, c’est bientôt Noël, alors c’est l’occasion de faire un méga mic-mac de tout ce qui me passionne désormais: le doudou et l’épouvante! Le hygge et les éléments ultra malaisants. Pour moi, y’a rien de mieux que d’avoir la frouille, bien fougnés sous la couette, avec une bonne tasse de thé et des grignotteskis.

J’ai été nourrie à plusieurs seins durant mon enfance. À la mamelle de Stephen King et de son horreur—surgissant dans un quotidien qui n’est pas prêt à la recevoir. À la mamelle de la mythologie grecque, dont j’avais un énorme ouvrage que je consultais tous les soirs, et dont je me repaissais d’actes héroïques, de légendes complètement déjantées, et de vengeances mesquines. Et à la mamelle des films d’action des années 80, avec leurs idées à la fois cons et géniales, et leurs effets spéciaux soit risibles soit super efficaces.

Je m’arrête là, ne vous inquiétez pas!—on ne résume pas 48 années de vie à se gorger de médias à quelques lignes, de toute façon, et cet article n’a pas vocation autobiographique. Probablement que ces quelques lignes, déjà, suffisent à vous donner une idée de mon état d’esprit d’aujourd’hui, durant l’écriture de cet article.

Un des grands principes de Noël, c’est la communion des esprits. Perchée sur ma chaise, toute cozy dans mon artelier doudou, je souhaite vous offrir en partage, sans filtre, toutes ces images mentales qui m’habitent et me hantent. J’ai aussi envie de vous mitrailler d’idées de scénarios, alors j’espère que vos snacks et vos dés sont prêts!

Avertissement: J’essaie généralement d’éviter de parler de ce que je ne connais pas bien. Je vous demanderai donc de bien vouloir m’excuser de ne pas inclure toute autre fête qui se déroule au même moment. Je vous invite à m’écrire pour me dire si vous avez des idées pour des scénarios se déroulant durant ces fêtes que je ne connais pas (ou que je connais mal)—je suis toujours ravie qu'on m’apprenne des choses!

Alors allons-y! Utilisons toutes les armes du MJ pour mettre vos joueurs et joueuses dans l’ambiance de Noël! Comment utiliser le doudou? Comment utiliser le creepy? Exploitons l’ambiance doudou pour créer une dissonance avec les éléments surnaturels de la partie.

Et en prime, quelques idées pour des scénars Nowëllesques, pour ajouter de l’ho ho ho-rreur à votre table!

On va causer Vaesen, mais pas que—la plupart de ces idées sont adaptables à vos jeux. Je fais entièrement confiance à l’imagination et l’ingéniosité des MJs pour en tirer le meilleur parti pour leurs joueurs et joueuses!

Le doudou à Noël

Vous l’avez aussi, vous, à Noël? Ce besoin qui prend aux tripes de se retrouver entre amis ou avec sa famille, de se regrouper dans un environnement confortable et chaleureux, et de ripailler?

Est-ce dû au jour qui laisse place à la nuit de plus en plus tôt? Est-ce dû au froid, à la dégradation de la météo? Est-ce dû à un rite, ou à une quelconque croyance?

D’où que ça vienne, c’est clairement le bon moment pour se détendre, se sentir bien, choyés, aimés… C’est le moment des romances de Noël, des contes, des légendes. C’est le moment de redevenir, l’espace d’une journée, un enfant dans l’esprit (même quand nos corps grincent et nos estomacs rouspètent parce qu’on a plus vingt ans).

Cela peut aussi être le moment de solitude et de désespoir pour celles et ceux qui se retrouvent seuls durant les fêtes—et qui vont faire de leur mieux pour apporter un peu de joie et de doudou à l’absence autour d’eux.

Quoi qu’il en soit, seuls ou accompagnés, les personnes qui fêtent Noël ont envie (besoin?) de doudou pendant la période des fêtes.

Et installer une ambiance doudou pour mieux introduire de l’horreur derrière, ça c’est une arme maléfique de MJ.

Les traditions de Noël

Pour installer une ambiance doudou pour les fêtes dans vos parties, il y a de nombreux éléments sur lesquels se baser pour évoquer des images mentales qui vont mettre vos joueurs et joueuses dans le bain:

  • le sapin de Noël—qu’ils soit illuminé dans un coin de la pièce, déjà entouré des cadeaux, ou que ce soit le moment où tout le monde se regroupe pour le décorer, c’est un des éléments qui met tout le monde d’accord.
  • le père Noël ou Saint Nicolas—ainsi que toute la mythologie qui va avec, enseignée aux enfants pour apporter un peu de magie à cette période de l’année.
  • la crèche de Noël—à la base, Noël est un rite païen (Yule), qui a été récupéré par le Christiannisme. Cela peut être remplacé par ces petits villages de Noël décoratifs tellement magiques.
  • les gourmandises à la table—la dinde, le foie gras, la bûche, les marrons, l’alcool, les chocolats, les bredeles et boissons chaudes.
  • les rassemblements populaires—comme le marché de Noël, la messe de minuit, les processions, les pélerinages, les bûchers, ou encore les Christmas Carols aux US où les gens se regroupent pour aller chanter des chants de Noël dans la rue.
  • les légendes et superstitions de Noël—laisser des cookies pour le Père Noël, le fait qu’il passe par la cheminée, les enfants doivent être couchés pour qu’il vienne, ils doivent avoir été gentils pour recevoir des cadeaux, la lettre au Père Noël, etc.
  • le calendrier de l’Avent—à l’origine, c’étaient des images pieuses que les enfants pouvaient découvrir. À partir de 1958, cela devint des chocolats, mais cela peut maintenant être tout à fait différent: cadeaux bien-être, arts & crafts, Legos, thés, etc.
  • les cadeaux—placés sous le sapin, échangés en privé, cadeaux groupés, ou Secret Santa!
  • l’ambiance sonore—le feu qui crépite dans la cheminée, les chants de Noël, les cloches et clochettes
  • la neige—élément météorologique plutôt peu apprécié en général, la neige devient magique le soir de Noël.

Tout ça, c’est ce qu’on connait, nous, en France—ou grâce à nos visionnages de films et séries américains. Mais il y a aussi d’autres styles de doudou que vous pouvez introduire à votre table, notamment si vous comptez faire une partie de Vaesen!

Hygge: le doudou scandinave

Vaesen se passe (pas que, mais à la base) en Scandinavie. Et en Scandinavie, il y a un concept de confort nommé hygge. Surtout ne me demandez pas de le prononcer!

Qu’est-ce que c’est que le hygge?

C’est un concept danois à propos du confort. Ce n’est pas quelque chose de nécessairement attaché à la période de Noël, mais je trouve que cela s’y rapporte bien. Le but du hygge, c’est d’être confortable, contenté, et d’éprouver un bien-être en étant charmé par des petites choses. Il y a aussi des liens avec le sens de communauté, et de simplicité. Présence, gratitude, plaisir… Le hygge peut être différent pour chacun—un peu comme une madeleine de Proust!

Quelques éléments hygge à ajouter à vos descriptions: boire du vin chaud à la cardamome, passer du temps devant la cheminée, allumer des bougies, se pelotonner sous des couvertures tricotées à la main, porter des chaussons en laine feutrée, faire un puzzle à plusieurs... Le hygge est là pour que les gens se sentent en sécurité, confortables, optimistes, et prennent soin d’eux-mêmes—le tout menant à moins de stress, et un meilleur sommeil.

Le hygge ailleurs

Il y a aussi d’autres concepts ressemblant au hygge:

  • Mys, le “hygge suédois”: vous êtes encouragé à prendre le temps de vous relaxer, à refuser le stress, à passer du temps avec vos amis, à être dans le moment et à l’apprécier avec l’usage de tous vos sens.
  • Koselig, le “hygge norvégien”: à son coeur, l’essentiel est d’être confortable, et de prendre du plaisir dans les petites choses. En Norvège, ils sont beaucoup plus axés sur le côté social de la chose, et sur la connexion avec la nature et l’extérieur.
  • Kalsarikannit, le “hygge finnois”: alors, voilà, allons droit au but—les Finnois préfèrent rester à la maison dans leurs sous-vêtements et boire comme des trous. Si si, c’est vrai, et ils ont même leur propre set d’emojis pour le dépeindre!
  • Còsagach, le “hygge écossais”: basé sur des palettes et des nuances de couleur pour évoquer l’état d’esprit souhaité, sur une emphase sur les éléments rustiques, et sur l’art de bien manger, il vous invite à être bien chez vous.

Tout ça c’est bien gentil et agréable, me direz-vous, mais vous n’avez pas signé pour faire une partie doudou. Ne vous inquiétez pas—maintenant qu’on a posé l’ambiance de départ, on va rentrer maintenant dans le vif du sujet: foutre les boules (de Noël) à vos joueurs et joueuses!

Du creepy dans le hygge

Creepy, c’est un mot que j’adore, et qui réunit beaucoup de concepts en un. Voir des choses répugnantes. Avoir les jetons. Voir quelque chose de louche, de suspect. Ça regroupe l’effrayant, l’horreur, l’épouvante. Et j’aime beaucoup tout cela, car vous allez pouvoir utiliser le creepy à diverses doses selon vos envies et les besoins de votre table.

Parce qu’on peut évidemment choisir de jouer du pur gore, ou tout simplement un peu d’épouvante, selon les goûts. Certains apprécieront les ambiances très lourdes, horrifiques, et d’autres préfèreront jouer plus léger et fantasy.

La plupart des monstres et créatures, ainsi que des évènements, que je vais vous présenter sont autant d’idées d’amorces pour vos scénarios. À vous de choisir si vous les jouez à la Alien, à la Massacre à la tronçonneuse, ou à la Génération perdue! Tout est personnalisable, et n’hésitez pas à apporter autant de changements que nécessaire pour jouer la meilleure partie pour votre table.

Les monstres et créatures de Noël

Quand on était petits, le pire qu’on pouvait craindre c’était d’être sur la liste des mauvais enfants du Père Noël, et de se retrouver avec un morceau de charbon comme cadeau. Et pourtant, il y avait aussi d’autres choses, bien moins innofensives, à craindre:

  • le Krampus—un démon à moitié bouc, avec des cornes et une longue langue pendante. Il est un peu la contrepartie de Saint Nicholas—le 5 décembre (Krampusnacht), il se balade avec ses sabots en secouant des chaînes derrière lui. Il fouette les enfants qui n’ont pas été sages, et les emporte soit dans un panier, soit dans un sac pour pouvoir les faire bouillir et les manger.
  • Frau Perchta et les Straggele—Frau Perchta était de son vivant une belle déesse qui prenait soin des enfants morts jeunes. Après sa mort, elle visite les enfants et ouvre le ventre de ceux qui n’ont pas été gentils, pour le fourrer de paille et de cailloux. C’est la reine des Straggele—des genres de démons cornus et poilus—qui l’accompagnent fréquemment, et châtient parfois les enfants eux-mêmes (souvent avec beaucoup moins de discernement). C’était un monstre “bénéfique” qui a été transformé par le christianisme au fil du temps, afin qu’elle ne soit pas comparée à la Vierge Marie.
  • Mari Lwyd—un cheval zombie de Noël, dont le seul but est de rentrer chez vous… Le seul moyen de s’en sortir sain et sauf est de se lancer dans une joute d’esprits, où il faut lui réciter des poèmes ou faire des rimes.
  • Grýla, les Yule lads et Jólakötturinn (le chat de Yule)—trois inséparables, ceux-là. Grýla est une ogresse perpétuellement affamée qui frappe aux portes pour demander les enfants turbulents, afin de les ajouter au ragoût qu’elle prépare. On peut la faire partir en lui offrant de la nourriture. Le chat de Yule, lui, attaque les personnes qui n’ont pas pris la peine de créer des vêtements à offrir aux autres—lesdits vêtements étant à l’époque une nécessité en Islande pour survivre à l’hiver, les personnes n’en fabriquant pas étaient considérées comme “fainéantes”. Heureusement, aujourd’hui il est possible d’aller au magasin du coin pour acheter des chaussettes et éviter que le chat de Yule ne se mette en colère! Les Yule lads, eux, sont treize pénibles pas bien méchants qui viennent mettre le boxon dans les maisons qu’ils visitent: ils lèchent les cuillères, ils volent les casseroles, ils reniflent dans les maisons, et laissent des pommes de terre pourries aux enfants désobéissants.
  • Hans Trapp—un méchant homme, riche et cupide. Il fût excommunié de l’église Catholique car il vénérait le diable. Il fût exilé dans la forêt, où il s’attaquait aux enfants déguisé en épouvantail. Il mourut frappé de la foudre par Dieu avant d’arriver à leur faire du mal. Cependant, il continue à visiter les enfants pour leur faire peur, afin qu’ils se comportent bien.
  • les Kallikantzaroi—ce sont des créatures poilues avec des pattes de singe, des sabots, et des yeux rouges et globuleux, provenant des Grèce et Macédoine. Ils vivent sous le sol, mais ressortent pendant les douze jours de Noël pour errer dans les maisons la nuit, faire pourrir la nourriture, casser les ustensiles de cuisine, et ajouter un maximum de stress à ce moment de la saison. Pour les apaiser, les habitants des maisons marquent leur porte d’une croix noire, ou bien accrochent des morceaux de viandes à leur cheminée. À Chypre, la tradition dit qu’il faut jeter du gâteau ou des saucisses sur le toit pour que les Kallikantzaroi puissent festoyer et ensuite retourner dans leurs tanières. Les enfants nés à ce moment-là étaient supposés avoir le trait des Kallikantzaroi, et devaient subir des rituels—comme brûler le bout de leurs ongles ou les envelopper d’herbes—pour éviter qu’ils ne se transforment.
  • le Père Fouettard—un aubergiste cannibale qui aime découper les visiteurs dans sa boucherie. Découvert par Saint Nicholas, il fût forcé à devenir son assistant lors de ses tournées de Noël. Alors que Saint Nicholas récompense les enfants bons avec des noix, oranges, gâteaux et autres gourmandises, le Père Fouettard lui trimballe les mauvais enfants dans son sac, ou les fouette.
  • Belsnickel—une fusion entre Saint Nicholas et le Krampus, il ressemble beaucoup au Père Fouettard. Couvert de poussière et de suie, il rentre dans les maisons pour interroger les enfants sur leur comportement, et peut donner des cadeaux tout comme des châtiments corporels.

Photomontage tiré d'une image de The Office

  • le Grinch—il rentre dans les maisons pour voler tous les cadeaux et ruiner les décorations de Noël.
  • les elfes/les lutins—ils travaillent dans l’atelier du Père Noël pour s’assurer que tout est prêt pour la tournée de la nuit de Noël.
  • les Tomtens—des genres de gnomes issus du folklore scandinave. Ils vivent dans les tumulus avec les morts. Ce sont les protecteurs de la maison, tant qu’on ne les met pas en colère. Ils ont un sale caractère et mordent ou rendent les habitants de la maison fous avec leurs farces. Ils sont venimeux, donc leurs morsures sont généralement mortelles. Il vaut mieux ne pas oublier de laisser un cadeau de Noël pour eux!
  • Jack Frost—fait complètement de glace, il est responsable des gels. C’est sa faute si les gens tremblent en hiver, car il laisse derrière lui un courant d’air glacé.
  • Frosty le bonhomme de neige—il peut devenir vivant, et s’il fait assez froid, il peut être aperçu en train de danser dans la neige.
  • Lussi—nommée Sainte Lucia au départ, elle a été transformée en Lussi: une démone hideuse qui se balade en balai volant, accompagnée de sa horde de démons, de trolls, et de mauvais esprits. Elle kidnappe et tue tous ceux qui ne sont pas bordés dans leur lit à son passage.
  • Santa Claus/Ded Moroz—il amène des cadeaux aux enfants pour le matin de Noël. À part sa tournée, il passe son année à faire trimer tout le monde autour de lui pendant qu’il se repait de victuailles, boit du vin chaud, et se peigne la barbe.
  • Mme Claus/Snow Maiden—elle fait toutes les tâches sexistes du Pôle Nord: elle fait cuire des gâteaux pour les elfes, nourrit les rennes, et donne un coup de main pour la fabrication des jouets. La pauvre! Elle s’occupe de tout le monde, mais qui s’occupe d’elle?
  • l’Esprit des Noëls passés—il est là pour qu’on se souvienne des Noëls précédents. Souvent, ça arrive quand on a été une crotte, ou qu’on a pris une mauvaise décision. Quand il arrive, on sait que la soirée ne va pas être de tout repos! Ses deux potes, les Esprits des Noëls présent et futur, ne tarderont pas à le suivre pour continuer à mettre la pression à vos joueurs et joueuses.
  • les Namahenge—ce sont des démons (des oni) qui menacent d’emporter les enfants des parents qui ne les protègent pas. Si les parents plaident pour leurs enfants, et des repas sont laissés en offrande, ils repartent apaisés. Leur visite lors de la nouvelle année est, étrangement, considérée comme une bénédiction.
  • la Befana—une sorcière bénéfique italienne. En janvier, elle prend son balai et part rejoindre les Trois Rois Mages qui cherchent l’enfant Christ. Elle parcourt chaque maison, et si elle y trouve un enfant, elle laisse des cookies et des cadeaux derrière elle.

La plupart de ces légendes viennent d’une époque d’hivers rudes, couplés avec des difficultés à se nourrir.

Les parents vivant à l’époque ont créé ces personnages mythologiques et ces légendes urbaines pour protéger leurs enfants, les aider dans ces temps difficiles, et amener un peu de magie au passage. Étonnant? Non—après tout, les contes sont toujours beaucoup plus terrifiants (et finissent bien plus mal) que ce que les versions de Disney nous en montrent!

Comme dans Vaesen, certaines de ces créatures sont bonnes et indulgentes, alors que d’autres sont un véritable cauchemar. Elles ne sont ni bonnes, ni méchantes à la base, mais ont chacune des raisons personnelles de faire ce qu’elles font. On voit finalement peu de cette version sombre de Noël de nos jours, n’est-ce pas?

Les légendes de Noël

Durant mes recherches pour cet article, je suis tombée sur ces perles, que j’ai envie de partager brièvement avec vous:

  • la bûche originelle—elle était autrefois une vraie bûche de chêne ou d’arbre fruitier, la plus grosse que le père de famille pouvait trouver. On l’aspergeait d’eau bénite, et il fallait qu’elle brûle le plus longtemps possible—si possible jusqu’au Nouvel An—afin de garantir l’abondance des récoltes. Ses cendres étaient dispersées autour de la maison pour protéger de la foudre, ou bien on les conservait car on croyait qu’elles avaient aussi des vertus médicinales, en particulier contre les morsures de serpent.
  • les trésors de Noël—en Bretagne, les menhirs se baladent pour aller boire à la source aux douze coups de minuit, et c’est là qu’on peut découvrir à leurs pieds des trésors enfouis. De même dans la Montagne Noire. Cela dit, la croyance populaire met en garde contre cette chasse au trésor, car les personnes qui partent avant la fin de la messe de minuit seraient condamnées à leur mort à chasser des proies invisibles pour l’éternité.

Je trouve que ces deux légendes sont extrêmement propices pour ajouter des détails à des aventures à faire jouer à votre table, ou pour en inspirer d’autres qui ne sont rien qu’à vous!

Quelques idées à vous approprier pour vos parties de Noël

Et voici venu le moment que j’attendais avec impatience: faire rentrer des histoires à utiliser dans tout ça! Les informations précédentes vous ont permis de vous mettre dans le bain, cherchons maintenant comment faire fonctionner tout cela ensemble.

Dans le JDR Vaesen, il y a un regroupement de personnes clairvoyantes formant la Société. Ce sont les Enfants du Jeudi—des personnages qui étudient les vaesen, et qui cherchent à les bannir. Les vaesen peuvent décider d’être visibles par les humains ou pas, mais les enfants du Jeudi peuvent toujours les voir.

Le fait que les histoires se passent dans un château abandonné, situé près de la ville d’Uppsala en Suède, rend plein de scénarios extrêmement intéressants. Il y a la possibilité de jouer en huis clos dans le château, d’inclure les gens de la ville d’Uppsala, ou même de jouer votre partie là où ça vous chante en vous baladant en Suède comme dans le monde entier!

La nature représente l’inconnu—elle est sombre et dangereuse. Tout peut arriver lorsqu’on s’y retrouve. La Scandinavie est en train de changer, laissant place à l’industrialisation. Les fermes sont abandonnées, les pauvres gens errent dans les rues… et les vaesen cherchent leur place dans ce nouveau monde. Ils ne se comportent pas toujours comme à leur habitude… on pourrait presque penser que certains sont devenus fous.

Vaesen, c’est un jeu d’horreur. Mais bien entendu, on peut adapter les scénarios à n’importe quel style de jeu (allez, peut-être pas historique, je vous l’accorde… et encore, si vous êtes bien motivés, pourquoi pas!). À partir du moment où vous souhaitez de la fantasy, de l’épouvante ou de l’horreur à votre table, faites confiance à votre cerveau: il connait son chemin! Il saura facilement comment adapter les amorces que je vais vous proposer pour qu’elles collent au mieux à votre style de jeu. Appropriez-vous-les, changez-les, modelez-les à votre guise! Faites-en votre créature, votre Frankenscénar—donnez lui vie, guidez-la où bon vous semble.

Il existe trouze miyons de tropes, rien que pour Noël. J’en ai extrait quelques-unes qui me semblaient les plus propices à une utilisation pour une partie de jeu de rôle papier entre doudou et épouvante, utilisables pour les fêtes ou durant l’hiver:

  • né dans la mangeoire—vos PJs découvrent un bébé (humain, animal ou créature) dans l’étable du coin. Trois personnes arrivent peu après, avec des cadeaux. Pourquoi plus personne ne semble être capable de sortir de l’étable? Pourquoi les murs semblent-ils se rapprocher peu à peu? Et pourquoi l’une des trois personnes refuse de montrer ce qu’il y a dans son paquet cadeau?
  • le Père Noël va y mettre leur mère—quelqu’un a saboté Noël. Le Père Noël n’est pas content, et il ne compte pas en rester là. Armé d’une tronçonneuse, il décide de se venger. Pourquoi s’en prend-il à Piotr, le petit garçon du voisin? Qu’y a-t-il sous son lit, qu’il essaie de protéger? Et pourquoi les rennes sont-ils aussi effrayés tout d’un coup?
  • Santa ou Satan?—les PJs découvrent qu’un enfant très proche de l’un d’entre eux s’est trompé, et a écrit à Satan au lieu de Santa. Du coup, les cadeaux sous le sapin vont du grotesque au dangereux. Cela va être difficile d’éviter que cela ne s’ébruite, en particulier avec la visite d’une voisine curieuse. Et qu’y a-t-il dans cet énorme paquet cadeau fourré derrière le sapin, dont l’odeur nauséabonde finit par envahir l’entièreté de la propriété?
  • offrir un animal en cadeau—un de vos PJs offre, ou se voit offert, un animal trouvé dehors à Noël. Bien présenté avec un joli noeud autour du cou, tout le monde tombe immédiatement éperdument amoureux de la petite boule de poils. Pourquoi semble-t-elle grandir à vue d’oeil? Comment se fait-il qu’on n’arrive pas à déterminer sa race? Mais surtout, pourquoi a-t-elle décidé de creuser un trou, à grands coups de griffes, dans le jardin juste à côté du puits gelé?
  • il vaudrait mieux qu’il ne naisse pas—une personne se présente à la porte de vos PJs, enceinte jusqu’aux dents. Elle semble épuisée, et a clairement subi des abus physiques récemment. Que lui veut ce groupe de personnes qui vient sonner à votre porte, vous ordonnant de la faire sortir sans vous donner plus d’explications? Que veut la personne qui est en train de s’infiltrer par la porte arrière?
  • les décorations qui s’emmêlent—c’est le moment de décorer la maison et le sapin, et toutes les guirlandes lumineuses sont emmêlées, malgré le soin que les PJs ont mis l’année précédente à tout bien ranger proprement. Un Tomten, agacé parce que les PJs ont oublié de lui laisser des gourmandises, a décidé qu’il allait s’en prendre à eux. Pourquoi est-ce que les PJs ne sont en sécurité que dans une seule des pièces de leur demeure? Qui est-ce qui leur parle depuis la grille d’aération des toilettes? Et comment se fait-il qu’ils aient oublié les gourmandises cette année?
  • le miracle de Noël—Saint Nicholas a, par le passé, ressuscité des enfants qui avaient été tués par un boucher. Depuis, chaque année, Saint Nicholas aime faire des miracles dans la bourgade où vivent les PJs, et fait revenir à la vie un enfant ou un bébé mort-né pendant la période de Noël—c’est un secret bien gardé par les parents, et la plupart des couples essaient de programmer la naissance de leur enfant à cette période, pour être plus tranquille d’esprit. Cependant, cette année, par bonheur aucun enfant n’est mort pendant les fêtes. Pourquoi un de vos PJs est-il inquiet à cette nouvelle? Quels sont ces grattements qui proviennent de la porte fermée des souterrains du château?
  • les pulls laids de Noël—pour éviter le courroux du chat de Yule, les PJs vont récupérer in extremis une caisse de vieux pulls laids de Noël, trouvée dans une caisse poussiéreuse dans le grenier du château. Le Jólakötturinn, effectivement, cesse de les pourchasser une fois qu’ils les ont enfilés. Pourquoi tout d’un coup tout semble aller de travers pour les PJs? Pourquoi le pull de l’un d’entre eux se détricote-t-il progressivement? Et pourquoi fait-il de plus en plus chaud dans le château?
  • les cadeaux merdiques “faits-main”—les PJs se sont promis de se créer des cadeaux les uns les autres pour Noël. C’est très difficile, à moins que les PJs en question aient de bonnes capacités dans l’art qu’ils ont choisi d’utiliser (peinture, tricot, sculpture, etc.). À leur insu, les cadeaux échangés vont avoir un effet sur leur période de fête, par un procédé magique de votre choix. Qui va écoper d’un cadeau merdique, et qui va subir un sale coup du sort en rapport avec ce cadeau? Qui va recevoir un cadeau magnifique, qui va lui apporter monts et merveilles? Et comment vont se sentir/payer les PJs qui n’ont pas fait d’effort?
  • le repas avec la famille pénible—on a tous un tonton raciste ou une cousine qui s’occupe des affaires des autres, et on en a tous marre. Les PJs sont rassemblés avec leurs familles, coincés dans un grand hôtel enneigé. Qu’a-t-il bien pu arriver au Tonton Purulski pour qu’on le retrouve mort asphyxié? Pourquoi y a-t-il un genre de mousse verdâtre qui sort de ses manches? Où est passée la cousine Fourre-Nez, qu’on n’a pas vue depuis la fin du repas? Et pourquoi les portes de l’hôtel claquent-elles sans arrêt?
  • le cessez-le-feu de Noël—les créatures surnaturelles et les humains n’ont pas été en paix depuis des centaines d’années. Ce Noël, miraculeusement, une trêve a été décidée. Un groupe de créatures et de monstres est reçu parmi les PJs pour la période des fêtes. Mais quel est ce trou apparu dans le mur de la cave, et où mène-t-il? Et pourquoi une des créatures insiste-t-elle pour qu’aucun PJ n’aille investiguer? De plus, quel est cet objet qui déforme la poche d’un des PJs?
  • le bénévolat—les PJs décident de donner leur temps pendant la période des fêtes, et vont travailler bénévolement dans une cantine de Noël pour les défavorisés. Une fois arrivés là-bas, ils se rendent compte peu à peu que les personnes qui ont besoin d’aide ne sont pas des humains. Quelle est cette viande à l’odeur bizarre qu’on leur demande de faire cuire? Pourquoi les créatures qui viennent se nourrir ne repartent-elles plus? Et surtout, pourquoi donc les enceintes ne passent-elles toujours que la même chanson?
  • à la maison pour Noël—les PJs se retrouvent sur la route, coincés par la neige, sur leur chemin du retour vers leur maison. Pas de réseau pour le téléphone, pas d’habitations dans le coin… Ils se rendent vite compte que quelque chose d’étrange et horrifique les a repérés. Ils ont le droit d’utiliser les cadeaux qu’ils transportent avec eux (et que vous leur aurez innocemment fait lister avant de commencer la partie—bonne chance à ceux qui ont pris une trompette en plastique pour leur neveu). Quelle est cette ombre géante qui se déplace tout lentement dans les bois, et qui semble disparaître quand ils s’en approchent? Pourquoi éternuent-ils tous de plus en plus? Et que devient le PJ qui disparaît tout à coup?
  • les ateliers d’exploitation du Père Noël—les lutins en ont ras-le-bol d’être exploités. Ils décident d’aller récupérer les cadeaux apportés par le Père Noël pour les revendre à partir du Nouvel An, et ainsi se payer des vacances avant d’aller chercher un autre boulot ailleurs. Que vont faire les lutins, armés jusqu’aux dents, et accompagnés de tous leurs potes de la mafia du surnaturel? Personne n’a vraiment envie d’expliquer au petit Timmy pourquoi il n’y a pas de cadeaux sous le sapin. Qui a prévenu le Père Noël, pour qu’il arrive si rapidement? Quel est ce grand fracas, dehors, qui fait trembler les lutins? Et pourquoi Timmy, qui a été réveillé par la commotion, passe-t-il son temps à ricaner derrière la porte de sa chambre?
  • les Snowlems—les enfants du village ont fait un concours de bonhommes de neige. Le soir même, alors que tout le monde est couché tranquillement, bien au chaud sous les couvertures, Jack Frost (secrètement un grand fan de Bill Waterson) les découvre et décide de leur donner vie. Pourquoi ces bonhommes de neige ne se contentent-ils pas de danser dans la neige, et commencent-ils à construire une armée de snowlems (golems de neige)? Pourquoi se rassemblent-ils tous autour de l’église du village? Et quelle est cette abomination à mille pattes qu’on voit filer à toute vitesse dans la forêt?

Calvin & Hobbes par Bill Waterson

Les bestiaires dans Vaesen sont pleins d’idées de monstres et créatures à utiliser, mais on peut aussi s’inspirer d’autres livres. J’ai eu le plaisir de feuilleter La petite encyclopédie du merveilleux, où on peut trouver toutes sortes de créatures surnaturelles à exploiter pour les parties, ou encore Les Monstres, dont les illustrations superbes sont une source intarissable d’inspiration. Au final, vous pouvez trouver des idées partout—faites-vous confiance pour choisir les meilleures et les plus adaptées à votre table.

Rien ne vous empêche de vous inspirer d’autres créatures pour les inclure à Vaesen, aussi! Et s'il y avait un paquet cadeau mimic au pied du sapin? Une horreur eldritch dans la forêt, comme dans The Ritual?

Envoyez-moi vos idées d’amorces, j’adorerais les lire!

Quelques petits conseils pour les MJs

Et pour finir en beauté, quelques petits points inspirés du livre de base Vaesen, pour vous simplifier la vie et mener votre table d’une main de fer dans un gant de velours:

  • on joue en groupe—privilégier la cohésion, le travail à plusieurs, et l’entente pour obtenir des indices ou résoudre des énigmes. Il peut y avoir des frictions entre les PJs, mais l’idéal pour avancer c’est de passer outre les conflits et de s’allier—ne serait-ce que le temps de l’énigme. Les créatures sont dangereuses, peuvent rendre fous, et le seul moyen de survivre c’est de se serrer les coudes.
  • pas d’amis, pas d’issue—les PJs ne peuvent compter que sur eux-mêmes et quelques rares PNJs. Ils ne peuvent pas décider de prendre leur voiture et de s’en aller si ça leur chante. Va falloir se démerder seuls!
  • créer des images mentales d’un Noël traditionnel—pour mieux amener l’horreur et les éléments répugnants. Pour créer cet environnement de jeu d’immersion dans le récit, vous pouvez faire monter lentement la pression au fur et à mesure, ou alors créer une dissonance fracassante, immédiate, qui va plonger vos PJs dans l’horreur absolue en quelques secondes… les faisant passer d’un environnement doudou et rassurant à une scène où tous les dangers sont possibles.
  • l’étrange au coeur de l’histoire—privilégiez les rencontres et les lieux étranges. Y a-t-il des PNJs récurrents? Comment pourraient-ils être plus étranges? Quels lieux bizarres se trouvent près de vos PJs? Pourquoi sont-ils mystérieux?
  • en faire une affaire personnelle—rien de mieux pour motiver vos PJs à suivre le scénario que vous avez en tête. S’ils n’ont pas vraiment d’affectif dans l’histoire, ils risquent de décider d’aller faire autre chose. Alors que s’ils sont impliqués d’une manière ou d’une autre (éventuellement par un tour de passe-passe narratif de votre part), cela va immédiatement susciter des actions dans le sens de votre scénario.

Et vous, avez-vous des conseils à partager avec moi? Est-ce que vous avez des trucs et astuces facilement utilisables à la table pour ravir les joueurs et joueuses et faire des parties mémorables?

Bonnes fêtes à tous et à toutes!

Profitez bien de votre temps de repos. Ripaillez, relaxez-vous. Amusez-vous bien avec vos amis et votre famille. C’est le moment propice! Comme en Islande, où on lit des livres toute la nuit à Noël, profitez de ce moment de tranquillité pour pousser encore plus loin votre imagination. Régalez-vous d’histoires. Régalez-en votre table. C’est le moment de vous faire plaisir.

Je vous ai compilé Creepsmas, un petit album Facebook avec quelques illustrations pour vous donner de l’inspiration (même si je doute que vous en manquiez, mais c’est toujours sympa à regarder!). N’hésitez pas à m’en envoyer d’autres (avec le nom de l’artiste si possible) pour que je les rajoute, et qu’on en profite tous et toutes!

Et racontez-moi vos fêtes rôlesques. Je suis sûre que vous allez poutrer des ours en tutu avec vos idées de scénarios!