Les légendes urbaines, un ressort ludique pour vos parties
Ça sera répété, amplifié, et déformé.
Cousines plus ou moins lointaines des contes de fées, ou même du folk horror, les légendes urbaines sont une forme narrative de folklore moderne—dont, je ne vous le cache pas, je suis friande!
La plupart du temps, les légendes urbaines sont locales (ou bien retravaillées pour le devenir). Ce sont des fables, des contes avec des rebondissements, qui sont racontés de façon à paraître plausibles. Au fur et à mesure, à force de les entendre, elles rentrent dans la culture et les croyances et sont traitées comme réelles.
De nos jours, avec Internet, on peut baigner dans les creepypasta (ou un équivalent en français) ou aller se faire peur sur le subreddit r/nosleep (r/nosleepFR en français). Il n’y a plus besoin d’adapter les légendes urbaines à un contexte local, car elles deviennent universelles, notamment avec la popularisation des légendes urbaines avec du surnaturel.
Sur r/nosleep, une des règles à suivre est que “tout est vrai, même si cela ne l’est pas”. Cela encourage les lecteurs à participer en mode immersif dans les commentaires des textes postés—ce qui me semble tout à fait adapté pour vous parler des légendes urbaines au sein des jeux de rôle!
Que vous vous serviez des légendes urbaines dans Hunter: le Jugement afin de traquer une possible présence de monstres, dans Kult où il se passe beaucoup d’évènements mystérieux et terrifiants pour qui ne peut voir au-delà de l’Illusion, ou dans Maléfices où toute superstition a une forte assise, notamment dans les campagnes, mais également dans les bons salons de la société, friande de séances d’évocations de morts et autres joyeusetés, je suis heureuse de vous proposer aujourd’hui un article qui vous permettra de comprendre comment elles fonctionnent, et comment les adapter à votre table.
Anatomie des légendes urbaines
Il y a toute une liste de recommandations pour la création d’une légende urbaine—des règles, on pourrait dire. Mais, vous me connaissez, je ne suis pas fan des règles pures et dures. Je vais vous les exposer, mais je vous encourage à les transgresser si cela sert votre narration (ou si tout simplement elles vous font suer).
Les légendes urbaines prennent racine dans la peur de l’inconnu
Déjà quand les êtres humains se rassemblaient autour d’un feu pour combattre l’obscurité, il y avait des formes de récits encourageant les membres d’une tribu à éviter les dangers. La chose sans forme qui guette dans le noir, à l’endroit où la lumière s’arrête. Le monstre qui murmure le nom d’une personne pour l’attirer dans le noir et la dépecer. On mettait déjà les autres en garde contre les monstres qui portent un visage humain.
Le protagoniste se retrouve seul la plupart du temps
Qu’il gagne ou qu’il perde contre le Mal, la personne à qui arrivent les choses affreuses se retrouve seule pour faire face. C’est un ressort narratif qui permet de rendre le tout encore plus intéressant pour les récipients de la légende urbaine.
Leur auteur est toujours anonyme
On sait que leur origine vient d’une personne proche de celle qui raconte la légende urbaine, mais on ne sait jamais réellement qui.
Le protagoniste est toujours un ami de la personne qui raconte la légende urbaine, ou l’ami d’un ami. Son nom n’est pas mentionné, juste généralement quelques détails vagues sur pourquoi il était à cet endroit à ce moment précis.
Dans le cas où le protagoniste meurt durant l’histoire racontée, on peut se demander qui donc a pu rassembler tous ces détails… mais souvent, il est trop bon de se laisser emporter par ces histoires horribles, qu’on en oublie (ou qu’on évite sciemment) de poser des questions pertinentes à ce sujet.
Les légendes urbaines sont présentées comme étant des faits
Mais le récit est vague, plein de détails qui ne peuvent être vérifiés. Ce foisonnement de détails donnés (le lieu général, le titre du livre que le protagoniste lisait ou du film qui passait alors au cinéma, la marque de ses chaussures, etc.) est là pour noyer le poisson.
Le but est de donner l’apparence de la vraisemblance, sans fournir quoi que ce soit pour prouver (ou réfuter) que ces faits se soient réellement passés.
Pas de noms, pas de dates, pas d’endroit exact. Tout doit être intraçable.
Les légendes urbaines sont généralement présentées comme des évènements arrivés récemment et près de chez vous
Si certaines légendes urbaines sont “immortelles”, il y a quelque chose d’effroyable dans le fait de se dire que c’est arrivé à notre époque—parce que cela rend la possibilité que ça nous arrive personnellement bien plus probable.
Mais comme je vous disais plus haut, avec leur apparition sur Internet, ce ne sont plus nécessairement des histoires locales, et leur existence s’étend maintenant à tout lieu connecté.
Les rituels sont importants, ainsi que l’adhésion aux règles
Afin de survivre, il est crucial de comprendre les règles d’engagement avec le “monstre”, et de les suivre aveuglément afin d’éviter une fin tragique. “Sois sage ou le monstre va te choper”.
C’est vrai aussi avec les comportements—si on se conduit moralement, le monstre passera son chemin, mais si on agit sans scrupules, on se fera ronger les orteils.
Exposer une “morale” est donc un des éléments les plus utiles pour l’existence des légendes urbaines. Déjà parce que les humains aiment que les choses soient logiques même quand elles ne le sont pas (et se raccrocher à des règles face au surnaturel est rassurant). Mais aussi parce que cela permet de se réconforter: si on n’agit pas comme le dernier des pourris, on a toutes ses chances d’échapper au triste sort du protagoniste.
Conseils pour créer une légende urbaine qui marquera les esprits de vos joueurs et joueuses
Vous avez envie d’intégrer une légende urbaine dans votre univers, dont vos joueurs et joueuses vous parleront encore et encore pendant des mois? Faites-en une bien à vous!
Comprendre la différence entre rumeur et légende urbaine
La légende urbaine, contrairement aux rumeurs, suit une forme narrative en trois actes:
- le début—on présente le protagoniste: sa situation, pourquoi il se trouvait là, et une vague idée de qui ils sont,
- le milieu—le passage de l’histoire dédié à la progression de l’action et à l’accumulation des complications,
- le point culminant—la révélation du danger et la présentation des conséquences. Ne pas oublier la mise en garde contre un danger qui n’existe pas.
Mélanger des légendes urbaines existantes pour en créer une nouvelle
Si jamais vous veniez à manquer d’inspiration (mais j’en doute), vous pourriez toujours vous baser sur des légendes urbaines existantes, et en prendre des morceaux pour faire votre propre recette. Les personnaliser sera un enrichissement, car elles colleront au plus près à l’univers que vous proposez, et aux personnages de vos joueurs et joueuses ont décidé de jouer.
Choisir les spécificités des légendes urbaines qui vous semblent coller le mieux à vos envies, et à celles de vos joueurs et joueuses
On n’est pas obligés de sombrer dans l’horreur la plus indicible pour raconter une légende urbaine. Il y a des horreurs plus “mondaines”, comme l’histoire des seringues dans les salles de cinéma, ou des lames de rasoir dans les pommes à Halloween. Cela reste épouvantable, aucun doute là-dessus, mais pas surnaturel pour autant.
Utiliser les actions de vos joueurs et joueuses pour marquer le début d’une légende urbaine dans votre univers
Comme dans une des parties de mon épouxe qui utilisa le fait qu’un de ses joueurs avait utilisé un de ses talents pour tourbillonner et ainsi se cacher dans le sable sur une plage. Quelqu’un l’observa, et c’est ainsi que fût créée la légende urbaine des “hommes-bigorneaux” dans leur univers.
Comme quoi, pas besoin non plus de faire dans l’horreur, si ce n’est pas votre tasse de thé!
Le fait de baser une légende urbaine sur les actions d’un des personnages joueurs de votre table est sans doute un des ressorts ludiques qui risque le mieux de fonctionner pour que votre partie soit mémorable à votre table. Et cela peut amener des ramifications (amusantes ou pas) dans le déroulé futur de vos parties.
Jouer sur le macabre, l’horrible, le sensationnel
Ça, c’est votre servitrice qui en raffole.
Pour moi, les meilleures légendes urbaines sont celles qui me choquent, qui finalement prennent vie dans mon cerveau et celui des autres, même si je sais que c’est du pipeau parce que je l’ai lue sur une creepypasta.
Avant même d’avoir lu la nouvelle de Stephen King (The Boogeyman/Le croque-mitaine), je craignais le monstre dans le placard. Jeune adulte, quand je rentrais tard la nuit, je me dépêchais de fermer la porte de l’immeuble derrière moi—juste au cas où un loup-garou rôderait dans les parages. Encore aujourd’hui, je suis en alerte quand il y a un bruit que je ne reconnais pas dans la maison.
La peur est un besoin essentiel chez moi. À la fois j’adore avoir la frouille, à la fois je déteste cela. J’ai fini par accepter cette ambivalence, et j’arrive même à m’en délecter la plupart du temps.
Proposer une “preuve”
Cela peut être n’importe quoi. Une photo floue avec ce qui pourrait ressembler à un monstre dans la forêt. Un bout de dent énorme. Un mot retrouvé avec le témoignage du protagoniste, juste avant sa mort.
Qu’est-ce qui pourrait donner corps à votre légende urbaine?
Utiliser les artifices habituels des films d’horreur
Par exemple:
- les équipements électroniques ne marchent pas,
- ça se passe à Halloween,
- les protagonistes font des choix qui font penser qu’ils n’ont jamais vu un film d’horreur de leur vie,
- une personne du coin prévient le protagoniste qui ne le prend pas au sérieux.
Les protagonistes des légendes urbaines n’ont pas besoin d’être bien futés. L’important, c’est de donner des pistes à vos PJs, et de leur permettre, à eux, de déjouer les problèmes qui risquent de se présenter rapidement à eux au cours de la partie.
Quelles sont vos légendes urbaines préférées?
Personnellement, entre Slender Man, Bloody Mary, et le croque-mitaine, mon coeur balance. Dites-moi lesquelles vous font le plus peur!